Test de Silent Hill 2 réalisé sur PC à partir d’une version fournie par l’éditeur.
- Horreur | Survie
- Développé par Bloober Team | Édité par Konami
- PlayStation 5 | PC – 8 octobre 2024
- Sous-titré en français – PEGI 18
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Depuis hier, 8 octobre 2024, Silent Hill 2 est disponible sur PlayStation 5 et PC, à partir de 69,99 €. Ce retour fracassant d’une légende du jeu vidéo était attendu avec excitation et méfiance, Konami ayant confié son développement à Bloober Team. À l’heure du test, les doutes n’ont plus lieu d’être. Le studio livre une modernisation d’une fidélité remarquable, en limitant les prises de risque cependant.
Test de Silent Hill 2 sur PC
Après trois ans de deuil, James Sunderland reçoit une lettre de Mary, sa défunte épouse. Elle l’attend à Silent Hill, « dans leur lieu à eux ». Sceptique mais désemparé, le veuf se rend sur place où la ville, jadis une station touristique effervescente, semble à l’abandon depuis plusieurs années. Le mystère s’épaissit davantage quand il pénètre dans les rues, couvertes d’un brouillard fourni et infestées de créatures monstrueuses, tout droit venues d’un autre monde.
Derrière son scénario lynchien qui possède plusieurs niveaux de lecture, se cache un survival horror devenu culte grâce à sa direction artistique ésotérique et son atmosphère suscitant un profond désespoir. Silent Hill 2 a fait l’objet, depuis son lancement sur PlayStation 2, le 25 septembre 2001, d’une kyrielle d’analyses pour autant d’interprétations. Ce chef-d’œuvre, qui est depuis longtemps entré au Panthéon du jeu vidéo, n’est toutefois plus disponible auprès du grand public, faute de succès commercial. La seule option légale pour le découvrir sur les plateformes du moment est Silent Hill: HD Collection. Toujours disponible sur Microsoft Store, cette restauration décriée compile les deuxième et troisième opus.
Malgré ce, l’annonce du remake, réalisé par Bloober Team, à qui l’ont doit notamment The Medium, a été accueillie avec tiédeur. La communication maladroite de Konami y est sans doute pour quelque chose. Les premières vidéos laissaient craindre le pire, dont la bande-annonce mettant l’accent sur les… combats. Mais en réalité, le studio polonais s’est parfaitement approprié le mythe pour le réinterpréter, comme aucun épisode de Konami, ou d’un studio sous-traitant, n’est parvenu à le faire depuis plus de vingt ans.
Respectueux du Silent Hill 2 d’origine
Les développeurs ont brillamment retranscrit les ambiances caractéristiques de Silent Hill 2. Ses cieux saturés de blanc, son brouillard d’une compacité menaçante, ses ténèbres plus profondes que jamais (non, le réglage de votre téléviseur n’est pas en cause) et ses linceuls tapissant les environnements sont intacts. Les vétérans en ont désormais l’habitude, mais la violence de l’Autre monde produit un choc. Et les créatures provoquent toujours de la gêne, en raison de leur anatomie sens dessus dessous, des fétichismes qu’elles symbolisent et de leur diversité de comportements.
Qui l’eût cru après le premier aperçu de la scène d’introduction, où le reflet de James apparaît dans le miroir ? Le remake brille également par la finesse de sa mise en scène. La tonalité tragique de ses dialogues nous a ému. Même les vétérans connaissant le script par cœur seront désarçonnés par les jeux de regard évocateurs, plus naturels qu’il y a vingt-trois ans, où toute lueur d’espoir a disparu. La rencontre avec Angela dans la résidence Blue Creek, extrêmement chargée en émotion, en est un parfait exemple. L’échange entre les personnages n’abonde jamais dans le pathos, conservant sa tournure cabalistique. Un échange en total décalage avec le monde à la dérive qui les entoure.
La peur insidieuse est néanmoins l’aspect qui souffre le plus de cette nouvelle version. On hésitait à l’époque à s’engager, comptant minutieusement les munitions qu’il nous reste. Aujourd’hui, beaucoup moins, en raison de consommables généreux et du contrôle total de la caméra. D’un autre côté, les ennemis sont plus nombreux et réactifs. Ils traversent les portes et enjambent les obstacles, tandis que consulter la carte n’interrompt pas le jeu. Quelques ficelles instillent l’incertitude, comme la radio qui s’emballe pour un cafard. Mais cette version repose davantage sur les jump scares, malgré les déclarations contraires de Bloober Team à ce sujet.
Une modernisation efficace
Dans le fond, l’expérience est donc très similaire au jeu de 2001. Les grandes lignes du game design sont identiques. James explore les rues de la ville, à la recherche de passages non-barricadés. Puis au cours des donjons, il tente d’ouvrir les portes, une par une, jusqu’à trouver les pièces du puzzle suivant. Dans la forme, tout a changé néanmoins avec les codes du survival horror d’aujourd’hui : caméra derrière l’épaule, esquive, gameplay simplifié (en la disparition de l’endurance, par exemple), ergonomie raffinée… La formule, popularisée par Resident Evil 4, assure une prise en main plus facile du grand public. Pour alimenter la composante TPS, James ramasse d’ailleurs d’innombrables boîtes de munition, en fouillant les décors ou en brisant les pare-brise des épaves de véhicules.
Parmi les changements notables, Bloober Team a considérablement densifié la progression également. Une sauvegarde s’étale désormais sur une petite vingtaine d’heures. Les énigmes prennent plus de temps à résoudre et des scènes inédites rallongent le scénario. Au contraire de Final Fantasy VII Remake, ces dernières n’ont hélas pas vocation à transformer le récit en profondeur. Elles n’apportent donc pas grand-chose, si ce n’est casser le rythme d’une histoire pensée pour tenir en haleine dix heures environ, à l’époque. Et si ce Silent Hill 2 semble plus organique, puisque l’on traverse les portes sans transition, les événements-clés se produisent dans le même ordre. Les instances demeurant, impossible de sortir d’un donjon une fois qu’on y a mis les pieds, donc.
La réalisation bénéficie bien évidemment le plus de ce remake, avec ce que l’on considère comme l’un des jeux d’horreur les plus aboutis techniquement. Comme Alan Wake II l’an dernier en revanche, les configurations modestes sont mises à mal. C’est le cas de notre matériel de test : Ryzen 7 3700X, 32 Go de RAM, GeForce RTX 2070 8 Go. Pour des performances stables, mais jamais purgées de chutes de frames en extérieur, on est passé en 1080p en qualité moyenne. Le volet sonore est lui aussi sublimé enfin. Non pas grâce aux arrangements musicaux mais à un sound design irréprochable. La spatialisation est exemplaire et l’habillage sonore, de la respiration de James au crissement d’une lame sur les murs du couloir adjacent, sont vecteurs d’adrénaline.
Une prise de risque minimale
Malgré tous les changements positifs apportés à l’expérience, le Silent Hill de 2024 ne supplante pas le jeu d’origine. Et pour cause ! En 2001, le chef-d’œuvre de Team Silent a défrayé la chronique en raison de son approche unique de la narration. Premièrement, le survival horror montrait plus qu’il ne racontait, devenant un parangon de narration environnementale. Dans le genre, le lore était surtout construit grâce aux documents annexes. Deuxièmement, les fins dépendaient des actions du joueur, sans que celui-ci ne s’en rende compte, de la fréquence d’utilisation des soins à sa proximité avec Maria.
Le remake n’apporte rien d’aussi innovant et les développeurs se sont contentés de reproduire la recette d’antan. Les vétérans ne sont donc jamais surpris par les thématiques abordées, la façon de raconter ou les effets de mise en scène. Selon Brendan Caldwell, dont le test est sorti le 8 octobre 2024 sur Rock Paper Shotgun, la modernisation donne l’impression d’appliquer un simple filtre « années 2020 » au classique, qui se traduit surtout dans la façon de jouer. Le remake est évidemment bien plus que cela. Mais l’équipe n’a jamais su prendre de recul avec le chef-d’œuvre incontestable d’origine.
On a même le sentiment d’être face à un survival horror assez générique, dont on trouve des traces dans la plupart des jeux du genre, de Dead Space à Alone in the Dark. Il s’agit d’un jeu dans l’ère du temps, portant les marques de son époque, et qui ne traverseront peut-être pas les âges. On pense aux rubans adhésifs jaunes, ou tissus blancs parfois, pour indiquer l’interactivité. Cette nouvelle édition est donc contemporaine… alors que le jeu d’origine est véritablement intemporel, s’étant hissé au rang de légende. Rendez-vous dans vingt-trois ans, donc, pour vérifier quelle version préservera son fauteuil parmi les plus grands classiques du jeu vidéo.
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Notre avis | 8
Personne ne l’aurait parié, mais Bloober Team est parvenu à moderniser une œuvre du jeu vidéo qui fait toujours autorité, sans en dénaturer l’expérience. L’atmosphère, la mise en scène et la peur englobent toujours un scénario suscitant un profond désespoir. Mais son impact est légèrement atténué par son côté générique, adoptant les codes du TPS d’aujourd’hui, et des rallonges qui ne servent pas pleinement le récit. Le remake ne sera peut-être pas aussi intemporel que le Silent Hill 2 d’origine. Mais on doit saluer le travail de médiation du studio, conciliant les vétérans, les nouveaux publics et un éditeur qui n’a jamais su redonner de l’élan à sa série historique. Malgré les cauchemars à venir, les fans peuvent dormir sur leurs deux oreilles en vue de la modernisation d’autres épisodes… ou d’un Silent Hill inédit, réalisé par Bloober Team. Pourquoi pas ?
On aime
- Le respect de l’œuvre d’origine
- L’ambiance qui ne s’est pas diluée
- Le travail des comédiens
- Les contrôles et l’ergonomie
- La réalisation graphique époustouflante
- Le sound design
On n’aime pas
- Les rallonges scénaristiques
- Le manque de prise de risque
- Le côté générique du gameplay
Merci d’avoir lu notre test de Silent Hill 2 sur PC.
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