Test de Mato Anomalies réalisé sur Xbox Series X à partir d’une version fournie par l’éditeur.
- RPG
- Développé par Arrowiz | Édité par Prime Matter | Distribué par PLAION
- PlayStation 4 | PlayStation 5 | Xbox One | Xbox Series X | Switch | PC – 10 mars 2023
- Sous-titré en français – PEGI 12
- Toute l’actualité du jeu
Sous la houlette de Prime Matter, Arrowiz (Hermitage: Strange Case Files) propose un RPG étonnamment ambitieux, disponible sur toutes les consoles, dans de nombreuses langues dont le français et en éditions physiques. Dans un univers sci-fi qui le rapproche de Soul Hackers 2, le titre brille tout d’abord par son esthétique, dont son chara design, et ses multiples mécaniques de jeu. Mais en multipliant les directions artistiques et les éléments de gameplay, le studio n’a-t-il pas risqué d’appauvrir chacun des volets de son projet ?
Test de Mato Anomalies sur Xbox Series X
Mato Anomalies se déroule dans une version futuriste du vieux Shanghai. Le joueur y incarne Doe, détective privé menant l’enquête sur l’énigmatique « neuromatière ». Il découvre alors une brèche qui le transporte vers des Antres, failles spatio-temporelles représentant les émotions des principaux antagonistes. Mais n’étant pas expert en combat, Doe est épaulé par Gram, chaman lui-même à la recherche de ces brèches pour combattre la Marée funeste qui en émerge. Au fil du scénario, d’autres personnages rejoignent le groupe qui compte jusqu’à quatre membres au maximum.
Pourquoi le compare-t-on à Soul Hackers 2 ?
Par de multiples aspects, Mato Anomalies fait penser à Soul Hackers 2. Tout d’abord parce que l’action prend place dans un univers de science-fiction un peu semblable. Mais aussi parce que ses Antres, les donjons visuellement abstraits où se déroulent les combats, rappellent les Matrices de l’âme du JRPG d’Atlus. Enfin parce que les jeux partagent une ambiance finalement assez proche du polar. On retrouve donc l’influence de Shin Megami Tensei, mais pas forcément son génie.
Lire aussi | Notre test de Soul Hackers 2
Dans les Antres, possédant chacune une thématique comme les Palais de Persona 5, le joueur parcourt des niveaux somme toute linéaires. On trouve de multiples équipements (armes pour chaque personnage, modules pour l’ensemble de l’équipe…) et l’expérience donne l’occasion de progresser via des arbres de compétences. Mais les combats, quoique fonctionnels, manquent un peu de piment. Ils proposent quelques originalités comme une barre de vie partagée par l’ensemble de l’équipe. Mais le système, trop classique pour passionner, n’a pas la tension que dégagent les mécaniques Press Turn ou Stack d’Atlus, par exemple.
Dans le monde réel, Doe possède une capacité pour soutirer des informations à certains personnages. À ces occasions, le joueur plonge dans leur psyché, donnant lieu à un jeu de cartes assez simple à comprendre. Pour tout dire, on a beaucoup apprécié l’idée, mais elle manque aussi de profondeur. Car le joueur ne peut pas composer sa main en trouvant des cartes par-ci par-là. Les decks sont en fin de compte préconçus et on les obtient au fil du jeu. Si toutefois l’on bloque sur une partie de cartes, il est possible de la passer purement et simplement après trois échecs.
Son récit parvient-il à captiver ?
L’histoire de Mato Anomalies s’étale sur sept chapitres pour une trentaine d’heures environ. Le récit progresse à un bon rythme, mais l’action semble hachée en raison des très nombreux allers-retours en ville. Les environnements sont finalement assez compacts, mais on a de toute façon la possibilité de se téléporter d’un point à l’autre de Mato. On ne cesse cependant de retourner dans les Antres, aux level design et décors génériques, pour les besoins de la campagne principale… mais aussi des quêtes secondaires.
Ces dernières sont abondantes et apparaissent en ville au fil de la progression. Malheureusement, elles manquent d’intérêt pour la plupart. Parfois, le joueur doit parler à tel ou tel personnages. D’autres fois, il doit combattre la Marée funeste dans l’une des Antres. On doit aussi, de temps en temps, persuader un adversaire par l’intermédiaire du jeu de cartes. Et bien que peu passionnants, on ne conseille pas de négliger ces à-côtés qui peuvent apporter butin et points d’expérience. Mais pour notre part, on ne cache pas avoir ignoré leurs dialogues dès que possible.
Car Mato Anomalies comporte un volume de texte extrêmement lourd. Que le jeu soit à ce point bavard n’est pas le problème. Mais il peine souvent à décrire certaines parties du lore et, pire encore, de l’intrigue. La traduction n’est pourtant pas mauvaise, on a donc le sentiment que le problème vient de l’écriture. On décroche aussi parce que les échanges sont parfois difficiles à suivre en l’absence d’animations de portraits, ou parce que les « visions » de Doe sont trop cryptiques. Des scènes trop importantes sont traduites en texte, au lieu d’apparaître sous forme d’animations à l’écran.
La mise en scène est-elle à la hauteur des ambitions d’Arrowiz ?
On doit bien sûr prendre en compte le budget d’Arrowiz, sans doute pas suffisamment élevé pour un projet de cette ambition. Mais on questionne certains choix, comme la présence de deux types de cut scenes. Dans certains cas, les événements se déroulent au cours de scènes cinématiques entièrement animées. Les jeux de regard, les mouvements et certains angles manquent peut-être de savoir-faire, mais on peut s’en accommoder. Dans d’autres cas, les développeurs ont opté pour des bandes dessinées qui apparaissent case par case.
Pourquoi cette dualité ? Doit-on y voir un manque de temps ? Le studio a-t-il voulu inclure trop d’idées à la fois ? Cette dernière possibilité n’est pas à exclure, car Mato Anomalies donne souvent cette impression… en étant à cheval sur deux types de gameplay (RPG et jeu de cartes), par exemple. Ils ne sont pas suffisamment approfondis, ni l’un ni l’autre.
Le titre manque enfin de game feel et de « jus », comme l’expliquerait Mark Brown. Mato Anomalies est extrêmement avare en feedback quelle que soit l’action que l’on effectue. De la navigation des menus aux combats, ce RPG manque d’animations, d’éclairages ou de sons qui nous permettraient de ressentir le jeu. Plus tard dans l’aventure, le joueur est confronté à d’immenses créatures. Leurs attaques prennent littéralement tout l’écran mais on ne ressent finalement pas leur impact. On impute la faute à l’absence de tous ces petits détails qui font la différence entre un build de développeurs et une version finale.
Notre avis | 5
Pourtant pas le coup d’essai d’Arrowiz, Mato Anomalies souffre du syndrome du « premier jeu » d’un studio que l’on gave de trop nombreuses idées. En résulte un RPG qui manque de profondeur aux niveaux de l’exploration, des combats et du jeu de carte. D’un point de vue purement narratif, on perd aussi le fil entre les dialogues interminables, les bandes dessinées et les scènes cinématiques en 3D. En fin de compte, Mato Anomalies n’est jamais frustrant et l’on progresse avec aisance dans l’aventure.
Mais on n’a jamais le déclic non plus. La faute revient, à notre avis, à toutes ces directions dans lequel le projet est allé ; jamais jusqu’au bout. En sacrifiant des pans du jeu, Arrowiz aurait peut-être pu en profiter pour peaufiner d’autres aspects, dont la mise en scène et le game feel. En l’état, Mato Anomalies reste une expérience assez agréable, mais qui ne décolle jamais.