Play Novel: Silent Hill sur Game Boy Advance. Une adaptation littéraire du survival horror légendaire

Rétrospective de Play Novel: Silent Hill réalisée le 19 mai 2019. Dernière mise à jour de l’article le 9 avril 2023.

Attention, Spoilers !

L’auteur de ce texte s’engage à divulguer le moins d’information concernant l’intrigue de Play Novel: Silent Hill. Il peut tout de même contenir des spoilers gâchant le plaisir de la découverte. Si vous souhaitez y jouer dans les meilleures conditions possibles, on vous conseille de reporter votre lecture de cet article.

Silent Hill sur Game Boy Advance, qui l’eût cru ? Le projet peut étonner, voire faire sourire. Mais Play Novel: Silent Hill n’est pas si surprenant dans la mesure où Konami a très largement soutenu le lancement de la console portable de Nintendo. Ses plus grandes licences ont atterri dessus lors de son année de lancement : Castlevania: Circle of the Moon, Gensō Suikoden Card Stories, International Superstar Soccer, Gradius Advance… En 2001, Konami a sorti presque trente jeux sur la console ! Alors pourquoi Silent Hill, sa licence en vogue, n’aurait pas eu droit à sa conversion ?

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Rétrospective de Play Novel: Silent Hill

La bonne idée de Konami est de ne pas avoir porté le gameplay survival horror sur la 32 bits portable. Le défi technique pour reproduire la ville aurait été immense. Les développeurs ont plutôt opté pour une conversion de Silent Hill en roman visuel, ce qui est tout à fait légitime compte tenu de la part de mystère qui entoure son intrigue. En l’occurrence, Play Novel: Silent Hill s’inspire très franchement des Sound Novel de Chunsoft. Le texte en surimpression (que l’on peut faire disparaître en appuyant sur B) sur les arrière-plans de la ville rappelle immédiatement la collection. Le parallèle est d’autant plus frappant que les premières minutes de Play Novel: Silent Hill rappellent fortement celles d’Otogirisō. Hary Mason est au volant avec sa fille assoupie sur la banquette arrière, avant de sortir de la route. Dans les premiers instants du jeu de Chunsoft, Kohei et Nami sont victimes d’un terrible accident alors qu’ils sillonnent un chemin de montagne, fatingués.

Dans les grandes lignes, l’histoire de Play Novel: Silent Hill reprend la trame de Silent Hill mais sous forme de texte. Elle est particulièrement intéressante pour quiconque n’a jamais joué au jeu d’origine, avec une intrigue pleine de mystères. Pourquoi neige-t-il hors-saison ? Pourquoi les rues de la ville sont-elles désertes ? Pour les fans ou les joueurs connaissant déjà Silent Hill, en revanche, Play Novel: Silent Hill paraphrase copieusement le jeu PlayStation.

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L’histoire s’enrichit du point de vue de Cibyl Bennett

Konami propose deux scénarios : celui de Harry Mason, l’autre de Cibyl Bennett. Chacune des deux trames est ponctuée de choix qui définissent la fin de l’histoire. Leur particularité est qu’il n’existe pas de fin prématurée où le personnage se ferait tuer. Quels que soient ses choix, le joueur est certain d’obtenir une fin. Pour Harry, il en existe huit différentes tandis que pour Cibyl, il y en a six au total. Les gâchettes permettent de relire l’historique des textes tandis que la touche Select permet d’afficher l’organigramme des choix. De cette façon, le joueur peut revenir en arrière et tester d’autres réponses.

La partie consacrée à Harry Mason est peut-être la moins palpitante puisqu’elle récite l’histoire que l’on connaît déjà de Silent Hill. On peut la feutrer en faisant des choix différents du déroulement d’origine, mais les pierres blanches sont les mêmes : l’école primaire, l’hôpital etc. L’absence d’exploration fait perdre toute sa sémantique à la ville. Mystérieuse, pénétrante, omnipotente dans le jeu PlayStation, elle n’est ici reléguée qu’à quelques arrière-plans. La majeure partie de Play Novel: Silent Hill se déroule dans les donjons et on ne passe que très peu de temps dans les rues de la ville.

L’écriture ne développe que très partiellement le lore du jeu d’origine

Puisqu’il s’agit d’un roman visuel, on attend de ce Play Novel: Silent Hill qu’il approfondisse les personnages ou l’histoire du culte de Silent Hill. Mais ce n’est malheureusement pas flagrant. L’aventure est très courte, ne durant que quelques heures, et elle ne s’offre que peu d’écarts pour donner des détails sur le scénario. On peut d’ailleurs parfaitement le terminer en une seule session. Le jeu déclenche très régulièrement une sauvegarde automatique alors rien n’empêche non plus d’y jouer en plusieurs fois.

Le plus souvent, les romans visuels s’appuient sur les dialogues et les relations entre leurs personnages pour construire la majeure partie de leurs univers. Play Novel: Silent Hill est à ce propos très problématique puisque l’un des ressorts du malaise de Silent Hill est précisément la solitude. Les rencontres sont les mêmes que dans le jeu (Dahlia Gillespie, Michael Kaufmann…) et Harry passe la plupart du temps seul Les dialogues sont alors fatalement rares. Cependant, il est intéressant que la narration relate les pensées du personnage, que l’on aurait volontiers goûtées plus détaillées.

Une structure favorisant la multiplication des runs

La partie consacrée à Cybil Bennett, que l’on débloque après l’obtention d’au moins une fin avec Harry, permet de découvrir l’univers son un autre angle. Tout ce qu’on y lit est inédit puisque le personnage n’est aucunement jouable sur PlayStation. Son arc est d’autant plus prenant qu’il est en grande partie consacré à Cheryl Mason. Ce scénario est toutefois plus court encore que celui de Harry, même s’il faut recommencer l’intrigue à plusieurs reprises pour faire de nouveaux choix et déverrouiller toutes les fins possibles. L’histoire ne bouleverse cependant pas la vision que l’on pourrait avoir de Silent Hill.

L’intérêt de recommencer différentes parties, en plus de connaître tous les tenants et aboutissants de Play Novel: Silent Hill, est de collectionner des Digital Trading Cards que l’on obtient à chaque fin. Elles représentent des personnages et des lieux de Silent Hill. Il en existe trente-deux au total mais leur nom est trompeur puisqu’on ne peut pas les échanger. Aujourd’hui, il n’est de toute façon plus possible d’obtenir l’ensemble des cartes car les scénarios additionnels ne sont plus du tout accessibles.

Une expérience quasiment purgée de son gameplay

Beaucoup de romans visuels tentent de varier l’expérience avec des séquences de gameplay qui entrecoupent la narration. Play Novel: Silent Hill ne s’encombre hélas de rien de tel. Il ne propose que très peu d’énigmes et, pour ainsi dire, aucun combat. Les trois casse-têtes du scénario de Harry n’occupent que quelques secondes. Quant aux rencontres avec les ennemis, elles se résument à quelques choix. Faut-il se sauver ou sortir son arme ? Doit-on tirer dans la gueule ouverte de la créature ou faut-il se déplacer ? Si les choix influencent la fin, ils ne modifient en rien l’issue d’un combat. On aurait pu imaginer qu’un mauvais choix fasse mourir Harry, obligeant à plus de précautions. Même un jeu comme Phantasy Star Adventure sur Game Gear propose un simili-système de combats à base de dés. Mais rien de tel ne permet au joueur de ressentir le frisson de l’affrontement dans Play Novel: Silent Hill.

C’est d’autant plus fâcheux que, comme dans le jeu d’origine, il est expliqué que la radio de Harry se déclenche à l’approche des ennemis. Mais la tension qui existe entre un ennemi à proximité que l’on n’aurait pas encore parfaitement localisé, à cause du brouillard ou des ténèbres, n’existe tout simplement pas dans cette version roman visuel.

Play Novel: Silent Hill se révèle moins explicite que le jeu d’origine

À ce propos, cette conversion est loin d’être aussi effrayante que l’épisode PlayStation. Le manque d’interactions avec le monde et l’absence de défis ne sont sans doute pas étrangers à cette baisse d’intensité. Mais il faut aussi faire remarquer que Play Novel: Silent Hill n’est visuellement pas aussi violent que Silent Hill. Rien de gore n’est montré au cours de l’histoire, là où le survival horror n’hésitait pas à proposer des environnements plus que suggestifs. Les décors, parfois animés avec des effets de lumière ou la neige qui tombe, sont sombres mais jamais sanglants.

Des fonds noirs servent d’ailleurs trop fréquemment d’arrière-plans. En résulte une très importante perte d’impact visuel. L’esthétique époustouflante du phare de Silent Hill, par exemple, tombe aux oubliettes, faute d’arrière-plans accompagnant sa découverte. Quelques séquences vidéo se déclenchent aux moments-clés de l’histoire mais, format cartouche oblige, elles sont aussi rares que trop compressées.

Le choix de rendre Silent Hill moins gore et plus acceptable pour un public plus jeune, celui de la Game Boy Advance, se remarque aussi dans les musiques qui accompagnent la narration. Dans Play Novel: Silent Hill, l’anti game music façon Akira Yamaoka n’a pas vraiment sa place. En plus de silences très judicieusement intégrés, le jeu est accompagné d’une bande-son inspirée de Silent Hill, certes, mais étonnamment mélodieuse. Quelques morceaux auraient mérité d’être utilisés dans d’autres épisodes, comme l’émouvante musique que l’on entend lors de notre rencontre avec Lisa Garland.

Une expérience aujourd’hui amputée de ses scénarios additionnels

Play Novel: Silent Hill a utilisé pendant un an la fonctionnalité Mobile System GB, uniquement disponible au Japon, qui permettait de connecter Game Boy Advance à un téléphone portable pour télécharger du contenu supplémentaire. En l’occurrence, Mobile System GB permettait de jouer quatre histoires supplémentaires mettant en scène Andy. Ce jeune garçon clandestin, et amoureux de Cheryl, s’introduisait dans la malle de l’automobile de Harry. Il se retrouvait dans l’enfer de Silent Hill par le plus grand des hasards. Ces contenus ne sont plus accessibles d’aucune manière aujourd’hui puisque les serveurs sont fermés depuis très longtemps.

Une adaptation longtemps inaccessible aux joueurs occidentaux

Play Novel: Silent Hill est longtemps resté inaccessible aux joueurs ne sachant pas lire le japonais. Le jeu n’a jamais été localisé hors du Japon, alors même que le premier épisode de Silent Hill s’était mieux vendu aux États-Unis et en Europe. En 2001, le goût du roman visuel du public occidental ne s’était pas encore vraiment développé, ce qui explique parfaitement pourquoi le jeu n’a pas quitté l’archipel. Heureusement, et comme souvent avec ce genre de projet, des fans ont rendu possible l’impossible. Dès 2002, Toby Normoyle a entrepris la traduction intégrale des textes sur GameFAQs, permettant de suivre Play Novel: Silent Hill du début à la fin. Giromancy a ensuite sorti, en 2017, une reproduction pour PC de Play Novel: Silent Hill intégralement en anglais. Quelques éléments du titre d’origine ont disparu, notamment les énigmes et les cartes à collectionner. Mais leur absence est epsilonesque. Depuis 2021, un patch de traduction est néanmoins disponible pour la version Game Boy Advance.

Cet étrange jeu dans la saga Silent Hill n’est pas le seul à s’écarter des sentiers du survival horror. Silent Hill: The Arcade et Silent Hill: Book of Memories, respectivement un rail shooter et un hack and slash, sont deux autres épisodes qui proposent une expérience différente à Silent Hill. Mais Play Novel: Silent Hill se caractérise surtout par sa fidélité à l’œuvre d’origine, dans la mesure où les deux jeux partagent la même histoire. On regretterait presque qu’un tel roman visuel n’ait pas existé pour le chef-d’œuvre qui allait suivre. Six mois plus tard sortait en effet l’un des plus illustres représentants du jeu vidéo tout entier : le vénéré Silent Hill 2.

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