Test de « Lost Judgment » sur PlayStation 4. Ce deuxième épisode marque une scission plus nette encore avec la série « Yakuza »

Test de Lost Judgment réalisé sur PlayStation 4 à partir d’une version fournie par le distributeur.

On ne balaie pas le passé d’un simple revers de manche. Ainsi, on associera toujours Judgment à Yakuza, parce qu’ils partagent un univers commun et parce que l’acolyte du détective Takayuki Yagami, Masaharu Kaito, est un ancien membre de la famille Matsugane du Clan Tojo. Lost Judgment marque cependant une véritable rupture avec la série principale et cultive sa propre mythologie au sein d’une série qui a parfois tendance à se mordre la queue. Personne n’est dupe chez Ryu Ga Gotoku Studio qui a entamé de profonds changements, avec l’introduction d’un nouveau protagoniste ainsi que le bouleversement du système de combats traditionnel dans Yakuza: Like a Dragon. De retour à la réalisation, Toshihiro Nagoshi offre quant à lui de nouvelles perspectives en s’attaquant, par l’intermédiaire de Lost Judgment, à des thématiques inédites pour le studio.

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Test de Lost Judgment sur PlayStation 4

Dans la peau de Tak et quelques années après Judgment, le joueur enquête sur le harcèlement d’une jeune fille au sein d’un lycée privé d’Isezaki Ijincho, ainsi que sur une agression sexuelle commise par un policier à bord d’un wagon. De fil en aiguille et en recollant les morceaux, l’Agence de Détective Yagami se trouve impliquée dans une affaire qui dépasse largement le cadre scolaire et qui s’apparente à un complot national aux multiples ramifications. Le studio n’a toutefois rien perdu de son sens du spectacle mais il n’est ici question que de société civile, au contraire de Judgment où l’on enquêtait sur les agissements de la Taupe, un assassin à la solde des yakuzas de Kamurocho.

Au-delà des factions impliquées dans le scénario de Lost Judgment, la façon dont est présentée l’histoire s’avère aussi originale pour la série puisque l’on connaît relativement tôt l’identité des coupables. On tente plutôt de percer le mystère de leurs motivations et de comprendre quels liens unissent les différents acteurs, un peu à la manière de Columbo. L’esthétique jaunâtre, les solos de saxophone et l’influence du film noir, déjà remarqués dans Judgment, offrent toujours un éclairage différent à des quartiers pourtant typiquement japonais.

Un rythme soutenu

L’intrigue fait en tout cas forte impression grâce à la distillation judicieuse du suspense et peu d’épisodes de Yakuza poussent ainsi à la progression de leur campagne. Dans une série que l’on a l’habitude de picorer au gré des marqueurs de quêtes secondaires, et qui laisse une grande place aux très nombreux à-côtés, Lost Judgment étonne par son rythme qui ne s’essouffle jamais. Et pour cause. Le titre est distinctement scindé en deux, avec une affaire principale de vingt-cinq heures environ et ce que l’on appelle ici les intrigues du lycée, concentrées autour du même emplacement. Ce volet de l’aventure comporte son propre récit, alors que Yagami devient consultant auprès du club des mystères du lycée Seiryo. Ambiance Famicom Detective Club: The Girl Who Stands Behind garantie !

Le détective tente ici de découvrir l’identité du mystérieux Professeur, un nom évocateur pour les joueurs ayant lu l’œuvre d’Arthur Conan Doyle, ou ayant joué à celle de Shu Takumi plus récemment. On pourrait craindre qu’un lycée japonais, emblème-même de la culture manga, dénature la série. Mais les événements qui s’y déroulent sont traités avec l’œil d’un adulte plutôt que d’un adolescent. Yagami pose un regard de l’extérieur sur les harcèlements de la classe 2-2, et Lost Judgment met en scène le désarmement et toute la détresse des parents face à ces situations qu’ils ne maîtrisent pas. Le sujet ne pouvait pas être plus d’actualité à l’heure de l’incompréhensible mouvement #Anti2010 et rappelle, s’il le fallait, que la bêtise n’a pas de frontière.

Une ossature identique à Judgment

Malgré le traitement de thématiques inattendues pour Ryu Ga Gotoku Studio, la structure de Lost Judgment s’avère identique à ce que l’on connaît. L’ossature narrative ressemble à s’y méprendre à celle de Judgment. On réalise toujours de nombreuses missions dans le but de nourrir le dossier de l’affaire, souvent ponctuées par d’innombrables combats. Le système est celui en vigueur dans Yakuza 6: The Song of Life et le premier Judgment, avec la possibilité de ramasser des armes dans l’environnement et de réaliser des attaques EX à l’aide d’une jauge qui se remplit progressivement.

Le premier épisode se distinguait par l’intégration de styles de combat à choisir en fonction de la situation. Celui du serpent complète ceux du tigre et de la grue, et facilite les désarmements et les contre-attaques. Dans les faits, il nous est apparu qu’il facilitait peut-être trop grandement le déroulement des affrontements, notamment parce qu’il permet d’effectuer une riposte à chaque fois que l’on est au sol. On apprécie enfin que l’approche stratégique soit plus variée grâce à ce troisième style, mais les problèmes de fond persistent. On a toujours tendance à effectuer le même enchaînement dès que l’on découvre un combo efficace, et l’endurance de Yagami tient surtout au nombre de petits pains à la vapeur achetés au konbini.

Des mécaniques épurées et de nouvelles approches

Quoi qu’il en soit, Lost Judgment est moins frustrant que son prédécesseur puisque les développeurs ont simplifié quelques mécaniques superflues, comme les blessures mortelles qui obligeaient à se soigner dans les égouts ou cet étrange mini-jeu où l’on devait essayer chaque clé sur un trousseau avant d’ouvrir une porte. Les filatures sont plus agréables et les relations sociales ont également changé. Plus précisément, on n’augmente plus son lien avec différents habitants de Kamurocho mais avec des chats de gouttière pour les besoins d’une quête secondaire. La surcouche de gameplay du détective (courses-poursuites, drone, observations…) semblait insérée au chausse-pied dans Judgment. Ces phases, qui ont le mérite de rythmer l’action, paraissent ici plus fluides et intègrent quelques nouveautés, dont le parkour et l’infiltration, extrêmement sommaires, mais qui permettent de se plonger davantage encore dans la peau de Yagami.

L’arsenal du détective s’étoffe également avec un amplificateur de son et un détecteur d’appareils électroniques, diversifiant les approches. Makoto Tsukomo, génie du piratage informatique, développe un radar à buzz permettant de découvrir et prévenir les incidents. Il n’est pas rare que l’on doive s’arrêter pour en griller une, tandis que l’on écoute attentivement la discussion fortuite entre deux employés de bureau. Yagami peut enfin demander de l’aide à Ranpo, le plus fin limier d’Isezaki Ijincho, pour flairer la piste de ses malfrats. Que serait un détective privé sans l’aide d’un excellent pépère ? Lost Judgment donne plus que jamais l’impression de mener l’enquête et, même si ce n’est qu’une illusion car le format n’est dans le fond pas si différent de Yakuza, il permet de réellement distinguer les deux séries.

Des dizaines d’activités

Pour ce faire, Ryu Ga Gotoku Studio fait le choix de ne pas évoquer les événements de Yakuza, ou de les chuchoter à peine. On se demande toujours si les histoires de la série et celles de Yakuza finiront par se recouper, mais non. À peine croise-t-on quelques personnalités de Yakuza: Like a Dragon lorsque l’on explore Isezaki Ijincho, sans pouvoir interagir avec elles néanmoins. On ne cache pas notre plaisir à redécouvrir quelques lieux emblématiques du parcours d’Ichiban Kasuga. Mais les liens s’arrêtent là et de nombreux points d’intérêt ne sont pas accessibles dans Lost Judgement. D’ailleurs, le quartier est légèrement raboté pour l’occasion mais on ne s’en plaint pas puisque son exploration s’en trouve plus dynamique, sans compter la possibilité d’appeler un taxi de n’importe quel endroit du jeu et de se déplacer en skateboard.

Une grande partie des activités se trouve en réalité au lycée Seiryo. En adhérant aux dix clubs pour augmenter sa réputation, Yagami prend part à différents mini-jeux facultatifs : danse, robotique, boxe, eSport et tant d’autres. Chacun présente son propre gameplay et sa courbe de progression. La série Yakuza est réputée pour la profondeur de ses activités annexes, comme la gestion du cabaret dans Yakuza 0 ou de l’entreprise d’Ichiban dans Yakuza: Like a Dragon, que l’on peut décemment considérer comme des jeux dans le jeu. Si l’on ne gratte pas la surface de Lost Judgment, on n’imagine pas la profondeur qui se cache dans les clubs du lycée et on ne constate que partiellement l’ampleur du travail abattu par Ryu Ga Gotoku Studio.

Une série à part entière

L’ambition de Toshihiro Nagoshi et des siens n’est pas seulement de proposer une suite à un hors-série très populaire, comme il en existe de nombreux. Judgment ne s’apparente plus à Ryū ga Gotoku Kenzan!, Yakuza: Dead Souls ou Fist of the North Star: Lost Paradise. Il devient avec Lost Judgment une série à part entière. Nul besoin de s’appuyer sur le lore de Yakuza pour exister puisque les personnages emblématiques du premier épisode sont de retour et approfondis pour l’occasion. Dans la constellation Ryu Ga Gotoku Studio se distingue désormais une étoile polar qui brille parmi les plus grands classiques du studio.

Plus loin | Lire aussi les tests de JapanPop et Taikenban

Lost Judgment
Captures d’écran © SEGA

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