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Super Mario RPG: Legend of the Seven Stars par Square (1996)
Disponible sur Super Nintendo / Wii / Wii U / Nintendo Classic Mini: Super Nintendo
Il existe tellement de jeux Mario en tout genre et de toute sorte qu’un RPG dans son univers était une évidence. Il aura tout de même fallu attendre 1996 pour que sorte Super Mario RPG, développé non pas par Nintendo mais par l’un des cadors du jeu de rôle de la Super Nintendo : Square, bien entendu. La collaboration entre les deux a de quoi étonner aujourd’hui encore mais à y regarder de plus près, le deal avait tout de l’accord gagnant-gagnant. Alors peu populaire en dehors du Japon, Square pourrait s’appuyer sur la renommée mondiale de Mario. Quant à Nintendo qui souhaitait créer un RPG dans son univers, ce serait la certitude d’obtenir un jeu solide par le spécialiste en la matière.
Super Mario RPG est longtemps resté inédit en Europe, au même titre que Chrono Trigger et FF VI, ce qui lui confère une aura distinctive. En dehors des habitués d’import ou d’émulation, il aura fallu attendre 2008 et sa sortie sur la Console virtuelle de la Wii pour qu’il ne soit officiellement disponible en France. De fait, il n’existe aucune localisation française officielle de Super Mario RPG, bien que des fans l’aient depuis longtemps traduit. Toutes ses suites spirituelles, qu’il s’agisse des Paper Mario ou de Mario & Luigi, sont en revanche parues chez nous.
L’aventure commence alors que le célèbre plombier se rend au château de Bowser pour y délivrer – devinez qui – la Princesse Peach. Au cours de leur empoignade, une épée vivante de plusieurs dizaines de mètres venue des cieux transperce la Route Étoilée puis le château lui-même avant de mettre fin au combat entre les rivaux de toujours. Tout ce petit monde, Princesse y comprise, se retrouve éjecté dans des directions différentes. L’attaque et l’épée – qui sont l’œuvre du forgeron Smithy – avaient pour objectif d’éparpiller en sept fragments la Route Étoilée. Cette dernière permet aux personnes du monde entier de réaliser leurs vœux. Très rapidement, Mario et les différents membres de son équipe se mettent à la recherche des fragments d’étoiles pour que tout le monde puisse à nouveau accomplir ses rêves.
Cette quête des sept fragments d’étoiles – qui donne son sous-titre au jeu – insuffle une direction plus épique à la trame que s’il avait fallu bêtement sauver la Princesse Peach. Cela rappelle notamment les premiers Final Fantasy où le joueur partait en quête de cristaux dispersés dans le monde, l’habillage Mario en plus. À mesure qu’il progresse, le joueur compose une équipe de cinq personnages en sachant que seuls trois d’entre eux pourront participer aux combats et que Mario est obligatoire dans l’équipe.


Mario
Obligatoire dans chaque combat et encore heureux ! Le jeu lui est dédié. Mario compte parmi ses attaques spéciales son Super saut et sa Fleur de feu. Au Royaume Champignon, il est connu comme le loup blanc et il n’hésite jamais à montrer qui saute le plus haut.

Mallow
Ce jeune nuage qui pense être un têtard possède un panel d’attaques très variées. Ses sorts sont principalement offensifs et permettent d’infliger de lourds dégâts. En tant que nuage, il provoque la pluie dès qu’il lui prend l’envie de pleurer.

Geno
Son véritable nom étant imprononçable, il propose qu’on l’appelle Geno. Cet esprit de la Route Étoilée prend possession d’une figurine en bois pour aider Mario et ses alliés à retrouver les fragments d’étoiles. En plus de puissantes attaques spéciales, il possède l’unique sort de buff de Super Mario RPG.

Bowser
Pour reconquérir son château où siège désormais Smithy, Bowser finit par s’allier à Mario et compagnie. Il possède une grande quantité de points de vie et inflige de lourds dégâts. Il aime rappeler à qui veut l’entendre que Mario a fini par intégrer son équipe et non pas l’inverse.

Peach
Pour une fois, la Princesse Peach n’est pas seulement un faire-valoir puisqu’elle se bat aux côtés de Mario, ce qui n’était pas arrivé depuis Super Mario Bros. 2. Elle est un personnage-clé de Super Mario RPG puisque ses sorts de soin sont extrêmement efficaces et peu coûteux.
Le premier contact avec Super Mario RPG est toujours déroutant puisque le jeu est entièrement représenté en 3D isométrique. RPG ou pas, il reste un jeu de la famille Mario avec ce que cela implique de plateforme et de sauts. La vue traditionnelle des RPG de l’époque ne se prête pas à l’exercice : il n’y a qu’à se pencher sur la séquence des cascades d’Ys V: Ushinawareta Suna no Miyako Kefin pour s’en convaincre. Vous me direz avec beaucoup de justesse que la 3D isométrique n’est pas non plus le meilleur choix pour des passages de plateforme – le petit Sonic 3D est demandé à l’accueil – mais la verticalité que l’on peut attendre d’un Mario est dans l’ensemble bien retranscrite.
Il faut aussi dire que trois mois après Super Mario RPG sortait Super Mario 64 entièrement en 3D sur Nintendo 64. Les développeurs ont peut-être craint que le jeu ne semble vieillot à côté s’il avait été représenté sans impression de relief. D’ailleurs, les personnages de Super Mario RPG ont été modélisés en 3D, pour se rapprocher de l’aspect rondouillard de Mario 64. Leur intégration dans le jeu est semblable à ce que l’on avait connu avec Donkey Kong Country.
Toujours est-il que le rendu possède une patte bien particulière avec une réelle impression de relief, ce qui peut faire sourire lorsque l’on sait que les Paper Mario qui suivront cultivent un style radicalement opposé avec des personnages aussi fins qu’une feuille de papier.
En matière de gameplay, les développeurs ont réussi à trouver de nombreux compromis entre le tour par tour d’un RPG d’alors et l’action d’un jeu de plateforme Mario : chaque commande, en combat, demande au joueur d’appuyer avec un timing bien précis pour des effets supplémentaires. Par exemple, en appuyant au moment où le personnage attaque, les dégâts sont plus importants. Le système est loin d’être facile à maîtriser puisque chaque arme équipée, chaque sort, chaque personnage possède sa propre fenêtre de temps. Il faut retenir sur le bout des doigts les animations de tout le monde ! D’ailleurs, il est possible aussi d’encaisser avec plus d’efficacité les attaques adverses de la même manière et souvent même d’annuler les dégâts.
Plusieurs effets sont vraiment intéressants : avec le bon timing, le sort de résurrection de Peach permet de ranimer un personnage avec tous ses points de vie, au lieu de la moitié seulement. Le buff de Geno, lui, gagne en efficacité puisqu’il montera la défense en plus de l’attaque, si le joueur appuie au bon moment. Plusieurs attaques spéciales, enfin, ont un fonctionnement complètement différent, comme l’Ultra saut de Mario : il s’agit d’appuyer sur le bouton au moment où Mario s’écrase sur un ennemi pour qu’il rebondisse encore et encore, occasionnant de très nombreux dégâts. Un bruitage sympathique accompagné de petites étoiles permet au joueur de savoir s’il a réussi ou non la manipulation.

Cela donne beaucoup de rythme aux batailles puisqu’on ne passe pas son temps à regarder le jeu, sans rien faire. J’irai même jusqu’à dire qu’on ne passe pas son temps à appuyer sur « A » puisque chaque action est attribuée à un bouton de la manette : les attaques sur A, la défense sur B, les objets sur X et les attaques spéciales sur Y. Au départ, on s’emmêle un peu les pinceaux puisqu’il faut valider avec le bouton assigné mais on finit par prendre le pli. Ça n’a l’air de rien mais cela casse énormément la monotonie inhérente au genre.
Tactiquement, Super Mario RPG est plutôt original grâce aux Flower Points qui permettent de lancer des attaques spéciales. Dans les faits, ce sont des points de magie tout ce qu’il y a de plus simple à la différence près qu’il n’y a qu’une jauge pour tout le monde. En clair, si les trois personnages agissent avec des sorts consommant les dits-FP, ils seront puisés dans la même réserve. Ainsi, le joueur y réfléchira à deux fois avant de balancer toutes ses attaques les plus destructrices puisqu’il ne videra pas uniquement la jauge de FP d’un personnage mais de toute l’équipe ! Il n’est pas rare de se retrouver à sec alors qu’un sort de soin aurait fait du bien à tout le monde. Il faut bien prévoir les réapprovisionnements puisqu’un personnage peut utiliser un objet, le sirop d’érable, pour remplir à nouveau les FP.
Pour le reste, c’est un RPG au tour par tour très traditionnel qui ne laisse que très peu de personnalisation au joueur. À chaque niveau, il est possible d’octroyer, en plus des bonus déjà acquis, un boost de force (augmentant la force et la défense), de points de vie ou de magie (augmentant l’attaque spéciale et la défense spéciale). Et c’est tout, jusqu’au niveau 30, le plus haut niveau. Point d’arbre de compétence ni de build personnalisé : tout est réglé comme du papier à musique. Parfois, au terme d’un combat, Super Mario RPG propose au joueur de doubler ou de perdre l’expérience ou l’argent qu’il vient juste d’acquérir au cours d’un mini-jeu de hasard mais l’ensemble reste très classique.
Les personnages restent cependant très différents et plusieurs combats, notamment contre les boss, demandent une stratégie bien spécifique. Comme le jeu permet d’échanger les membres de l’équipe entre chaque combat (sans avoir besoin d’être à un point de sauvegarde, par exemple) et que les réservistes obtiennent aussi des points d’expérience, il n’est pas difficile au joueur de changer sa stratégie. Dans les grandes lignes, il est tout de même très commode d’avoir Peach en permanence à ses côtés puisque ses sorts de soin sont aussi efficaces que peu onéreux. Du coup, c’est le troisième larron qui aura tendance à tourner. Il peut arriver que selon la zone, l’un soit particulièrement efficace ou, qu’au contraire, vous décidiez de ne pas l’utiliser pour une raison ou une autre. Par exemple, il existe une zone de Super Mario RPG où Bowser fait fuir les ennemis avant que le joueur n’ait pu remporter le combat. De ce fait, il est difficile de gagner de l’expérience si l’affreuse tortue-dragon reste au front.
Contrairement à ce qui se faisait à cette époque, Super Mario RPG n’a pas de carte du monde puisque l’exploration est rythmée par différents niveaux, à la manière d’autres épisodes de Mario. Bien sûr, il y a des villages et des donjons à visiter, mais ceux-ci sont reliés par des pointillés sur une carte schématique comme dans un épisode de Mario traditionnel.
L’exploration est notamment ponctuée par de nombreux mini-jeux, dont certains font partie intégrante de l’histoire. L’un des plus mémorables est la descente du fleuve de Midas où le joueur commence par se jeter dans une cascade en ramassant un maximum de pièces puis par se déplacer de tonneau en tonneau dans une seconde section. Mario oblige, le jeu est également truffé de phases de plateforme au bout desquelles on obtient parfois des bonus. Tout comme dans les jeux de plateforme, on trouve aussi ici et là des blocs invisibles que l’on active en sautant.

L’ensemble de Super Mario RPG est de toute façon très fidèle à l’univers imaginé par Nintendo et il ne cesse de lui appuyer de nombreux clins d’œil. L’autodérision est l’un des points forts de ce jeu de rôle qui ne se prend jamais trop au sérieux avec quelques running gags bien sentis. De temps à autre, Mario résume les événements à un personnage qui fait son apparition en lui mimant les péripéties avec beaucoup de panache, ce qui ne manque jamais d’arracher un sourire au joueur. À d’autres moments, des fans rencontrés au gré des villages demandent à Mario de leur montrer son célébrissime Super saut : ce dernier s’exécute, fier comme un coq.
L’ambiance est toujours bon enfant avec un accompagnement musical rafraîchissant signé Yoko Shimomura, excusez du peu, que l’on sait pourtant davantage à l’aise dans un registre épique plutôt que comique.
Néanmoins, la force de Square dans Super Mario RPG est d’avoir réussi à prendre du recul sur la saga, avec une relation entre Bowser, Peach et Mario inédite, si l’on excepte les nombreux spin-off où les uns et les autres partagent un green ou une course de karting. C’était loin d’être évident lorsque l’on sait à quel point Nintendo est tatillon avec le traitement que réservent les développeurs-tiers à ses séries.
Les développeurs ont même écrit un petit bout de leur propre mythologie, avec des espèces uniques et des personnages jamais-vus. Il aurait été facile et sans doute efficace de piocher parmi les plus célèbres compères de Mario pour créer un roster qui plaise à tous : Luigi, Donkey Kong, Toad, Yoshi… Mais Mallow puis Geno permettent tout de même de découvrir la série sous un nouvel angle, bien qu’ils ne soient jamais réutilisés par la suite.
Même s’il a tout d’un grand avec une réalisation solide et des mécaniques originales, Super Mario RPG donne quand même l’impression de jouer à un petit RPG sympa plutôt qu’à un ténor du jeu de rôle. Ce sentiment le met nettement en valeur car il est aussi très désaltérant à côté des Chrono Trigger, Final Fantasy VI, Dragon Quest V ou Tactics Ogre. Super Mario RPG est relativement court puisqu’il ne faut qu’une quinzaine d’heures pour le terminer avec un boss caché et optionnel, la signature de Square.
Tourné vers la PlayStation puis la WonderSwan avec des projets plein la tête, Square ne participera plus au développement d’un jeu de rôle Mario. Celui qui aurait dû s’intituler Super Mario RPG 2 deviendra Paper Mario. Bien que développé en interne par Intelligent Systems, on y retrouve toutes les forces de Super Mario RPG dont il s’inspire très largement et qui reste le point de départ de l’une des sous-séries les plus prolifiques de la galaxie Mario.
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